mercredi 14 mars 2018

Comment notre monde a cessé d'être chrétien


Comment notre monde a cessé d’être chrétien : anatomie d’un effondrement
Guillaume Cuchet
Paris, Le Seuil, 2018. 245 pages.


L’historien prend le dossier de l’effondrement du catholicisme France en s’appuyant sur les travaux du chanoine François Boulard (1898-1977) qui le premier avait entrepris une cartographie de la France religieuse. Il pose en historien et en sociologue la question de savoir à quelle date s’est produite la rupture entre la religion catholique et la société française. C’est donc avec l’aide de travaux effectués par le chanoine Boulard qu’il constate que cette rupture s’est produite dans les années soixante ; la mise en œuvre du Concile Vatican II et ce qu’on appelle les « évènements de Mai 68 » n’en furent pas la cause. Le Concile Vatican II a simplement été un évènement « déclencheur » d’une crise qui se serait produite de façon inéluctable.

La chute e la pratique religieuse, le fait que la religion catholique soit devenue minoritaire ‘chute de la pratique religieuse dominicale entre 1955 et 1975 a longtemps été analysé comme une conséquence de Mai 68 pour les uns (notamment pour ceux qui se situent à droite) quand d’autres invoquent la promulgation de l’encyclique Humane Vitae par Paul VI en interdisant les moyens contraceptifs éloignant ainsi de l’Eglise toute une génération de pratiquants.

Voilà un ouvrage qui devrait susciter des discussions passionnées, et marquera sans aucun doute l’historiographie du catholicisme dans notre pays. La question que pose Guillaume Cuchet n’est pas nouvelle, car depuis plus de trente ans des intellectuels catholiques s’évertuent d’y répondre: comment le catholicisme français est-il devenu si rapidement une religion minoritaire, avec une chute de la pratique dominicale de près d’un tiers entre 1955 et 1975 ? Question qui provoque immédiatement deux types de réponse, selon deux camps qui se renvoient la responsabilité: pour les uns, plutôt à droite de l’Église, c’est la faute à Mai 68 ; pour d’autres, c’est à cause de l’encyclique Humanae vitae, qui, en interdisant la contraception, aurait découragé une génération de croyants.

En s’appuyant sur les travaux du Chanoine Boulard dans les années 1955-1965  et sur les statistiques ainsi exploitées , en s’appuyant sur des enquêtes effectuées dans les  années 1970 Guillaume Cuchet montre que le « décrochage » d’une bonne partie des catholiques s’est effectuée en 1965 juste après la fin du Concile. mais en notant que le ni le Concile, ni Mai 68, ni l’encyclique Humanae Vitae n’en furent la cause immédiate

Reste donc à analyser le pourquoi de cette situation qui a particulièrement marquée le catholicisme européen et surtout français.
L’auteur met en cause la pastorale qui en a suivi et qui a désorienté les catholiques. En voulant appliquer trop rapidement les conclusions du Concile (surtout dans la liturgie) le clergé a négligé de prendre en compte les habitudes cultuelles des croyants ainsi que leur signification profonde. On a donc assisté à une pastorale « élitiste » : la piété populaire, certaines pratiques (obligation de la messe dominicale, communion solennelle) ont été jugées désuètes et même sans valeur alors que rien de tel n »était dit dans les textes conciliaires. On abandonne aussi un enseignement jugé trop culpabilisant : péché mortel, les fins dernières, l’enfer, ….A cela s’ajoute d’autres raisons : abandon de la soutane au profit d’un costume « clergyman », des prêtres qui quittent le ministère….

L’auteur se penche enfin sur la question du sacrement de la confession. Si l’on constate un abandon des confessions dans des confessionnaux au profit d’autres manières comme le dialogue entre le prêtre et le pénitent, l’apparition de célébrations pénitentielles avec absolution collective on voit peu à peu une chute dans la pratique même de la confession. L’auteur note également que la notion même du « péché » se fait moins fréquente dans les homélies ; la doctrine de la « justice de Dieu » est substituée à la notion de « Dieu est Amour ! »  Les catholiques perdent donc l’habitude de se confesser et que la  communion est devenue plus accessible.

Ainsi donc en voulant une assemblée plus «consciente » de sa participation aux offices, de catholiques mieux formés et plus investis dans la vie de l’Eglise se sont certaines structures qui entouraient les fidèles dans la vie sacramentelle qui abandonnées ont fait que beaucoup (et surtout dans le jeunes générations) ont quitté l’Eglise faute de repère tandis que d’autres se détournaient  de l’Eglise pour se « fabriquer » une religion où les dogmes, les obligations avaient finalement une importance toute relative.


L'auteur
Guillaume Cuchet est professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris-Est Créteil. Il a notamment publié Penser le christianisme au XIXe siècle. Alphonse Gratry (1805-1872) (Presses universitaires de Rennes, 2017).




Publication : Claude Tricoire - Bibliothèque diocésaine d'Aix et Arles

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