vendredi 8 avril 2016

Le voile en Islam

Faïza Zerouala, Des voix derrière le voile, Paris : Premier parallèle, 2015, 253 p., 15 €.

Faïza Zerouala, journaliste spécialisée dans les questions de société et qui a travaillé à plusieurs reprises sur l'Islam en France, a collaboré au Monde et au Bondy Blog, média en ligne qui a pour vocation de donner la parole aux quartiers dits sensibles et à la France multi-ethnique. Elle présente ici le témoignage de neuf femmes qui ont fait le choix de se voiler, et d'une dixième qui a fait le chemin inverse.

Ces dix femmes ont de 18 à 58 ans, viennent de toute la France, et ont souhaité conserver l'anonymat, sauf une qui témoigne sous son vrai prénom. Tous les niveaux d'instruction sont représentés. L'une est femme de chambre, trois sont en cours d'étude, trois sont mères au foyer ou en télétravail, une est auto-entrepreneuse, une est enseignante, une seule est cadre.


Cet ouvrage donne la parole à des femmes peu entendues habituellement. Il est beaucoup question du voile dans les médias, mais il est peu souvent présenté par des femmes qui le portent. Ici, elles expliquent la signification qu'il revêt pour elles. Dans nos bibliothèques, peu de documents traitent de ce sujet : hormis quelques articles, seul Par-delà le voile, femmes d'Islam en Europe, de Nadine B. Weibel (Éd. Complexe, 2000) est consultable, à Aix-en-Provence.
Une de ces femmes s'est convertie à la fin de son adolescence et s'est voilée par la suite, deux autres ont commencé à porter le voile à l'adolescence. Les autres donnent toutes l'impression de s'être voilées « sur le tard », bien qu'elles soient encore jeunes. Elles parlent d'« avant », de l'époque où elles se vêtaient à l'occidentale, de manière courte et provocante pour certaines. Pour chacune, le choix de porter le voile s'est fait à un moment décisif de leur vie : l'adolescence, une maternité, un divorce... Elles décrivent aussi longuement les réactions de leurs familles, positives ou négatives, y compris dans des familles musulmanes.
Leurs voiles sont très variés, comme leur manière de le porter : hidjab, jilbeb, en turban, coloré ou très sobre, avec ou sans belles épingles, avec ou sans maquillage...
Toutes expriment leur foi et leur soumission à Dieu, mais aussi leur sensation d'être mises au ban de la société, parfois de manière très agressive. Aucune ne dit vouloir convertir par son voile. Elles ne le portent pas en missionnaire, mais en converties, une idée qui revient dans beaucoup de témoignages, y compris de celles qui sont musulmanes de naissance.
Elles parlent un peu des versets du Coran sur lesquels est basé le port du voile, mais elles mettent surtout en avant leur désir de protéger leur pudeur et de se cacher du regard masculin. Nadia dit : « J'essaie, avec mon voile, de dire aux hommes d'oublier ma partie féminine et me voir comme leur égale » (p. 66). Pour elles, se voiler est un signe de liberté, de soumission à Dieu seul. Au contraire, la liberté sexuelle acquise de haute lutte par les féministes enferme la femme dans un rôle d'objet sexuel qui l'aliène.

La plupart de ces femmes ne s'imaginent pas vivre ailleurs qu'en France. Leur avenir est dans notre pays. L'une d'elle pense à s'expatrier à Londres où les femmes voilées ont moins de difficultés pour trouver un emploi et où elles semblent mieux acceptées.
Toutes voudraient mieux connaître leur religion, estiment qu'elles en sont plus instruites que leurs parents, et souhaitent donner une solide éducation religieuse à leurs enfants.

Reste le témoignage de Fatiha. A 29 ans, elle porte le sitar, voile intégral qui dissimule même ses yeux. Elle a commencé à se voiler, en portant d'abord le hidjab. Dans son discours, elle semble être dans une recherche crescendo d'une religiosité de plus en plus rigide, cherchant le bonheur dans l'application la plus précise des préceptes.


L'auteur introduit chaque témoignage par deux pages en restituant le contexte. Elle a conservé un style oral à ces textes, tout en les retravaillant pour leur donner une certaine harmonie. Cela les rend très agréables à lire. Il est toutefois dommage que les fondements coraniques et théologiques du port du voile ne soient présentés qu'après les témoignages. Les différentes sortes de voiles sont aussi évoquées de manière trop succinctes et schématiques pour parler au lecteur qui ne les connaît pas. Développer ces deux points aurait donné une solide introduction à l'ensemble.

A noter, cet ouvrage est disponible en version numérique, au petit prix de 5.99 €, sur le site de l'éditeur :  http://www.premierparallele.fr/livre/des-voix-derriere-le-voile.

Hélène Biarnais
responsable de la médiathèque du diocèse de Gap et d'Embrun

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