vendredi 5 juillet 2013

Seul l'esprit, s'il souffle sur la glaise, peut créer l'homme...

Le titre de cet article est la dernière phrase de Terre des Hommes, l'un des livres d'Antoine de Saint-Exupéry, grand prix de l'Académie française en 1939. Cet ouvrage est disponible à la bibliothèque du diocèse de Gap, dans l'édition de 1952, la 573e ! Ce titre dit combien l'oeuvre de Saint-Exupéry est marquée, comme son existence, par les questions de la création et de la vocation. 
 


Il n'est pas question de faire oeuvre de spécialiste ni d'ajouter ici une enième étude sur l'auteur et l'aviateur, tellement il en existe déjà. Celles qui suivent sont également à votre disposition à la bibliothèque Depéry :
- Borgal (Clément), Saint-Exupéry, mystique sans la foi, Paris, Le Centurion, 1964, 207 p.
- Estang (Luc), Saint-Exupéry par lui-même, Le Seuil, 1956, ed. 1967, 192 p.
- Chevrier (Pierre), Saint-Exupéry, Gallimard, 1958, 277 p.
- Devaux (André-A), Saint-Exupéry, Desclée de Brouwer, 1965, 149 p.
- Anet (Daniel), Antoine de Saint-Exupéry, poète, romancier, moraliste, Paris, Corréa, 1946, 250 p.
- Zeller (Renée), La Vie secrète d'Antoine de Saint-Exupéry ou la parabole du Petit Prince, Paris, Alsatia, 1948, 174 p. 
 
 
Le nombre de ces études dans les années qui suivent la disparition d'Antoine de Saint-Exupéry montre bien la densité de l'oeuvre et les interrogations qu'elle suscite. L'une de celle qui n'est pas la moindre vient du contesté Eugen Drewermann, L'essentiel est invisible, une lecture psychanalytique du Petit Prince (Paris, Le Cerf, 1992).


 
La création est évidemment au coeur du texte le plus connu d'Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince. La bibliothèque en conserve une très belle édition de 1955 où les aquarelles de l'auteur prennent toute leur ampleur. Elle vient des ouvrages du père Henri Prayer remis au diocèse.

Dans le désert, le Petit Prince cherche des hommes. La fleur, à trois pétales, lui en signale six ou sept "Mais on ne sait jamais où les trouver. Le vent les promène. Ils manquent de racines, ça les gène beaucoup". C'est aussi dans cette oeuvre que le narrateur est appelé à dessiner un mouton. Le Petit Prince, c'est aussi la leçon "d'apprivoisement" par le renard. Celui-ci trouve son précurseur dans Terre des hommes, à travers le "fenech" (p 158 et 160), le renard du désert.

Antoine de Saint-Exupéry crée, textes et dessins, Le Petit Prince au cours de son exil à New-York, alors qu'il soigne ses blessures à l'hôpital en 1940. Une traversée du désert en quelque sorte ! Spécialité de l'aviateur !


Les questions spirituelles, le vocabulaire religieux émaillent les travaux littéraires de Saint-Exupéry. Est-il Chrétien ? Est-il croyant ? Qui peut le dire au fond ? Ce qui est certain, c'est qu'il n'hésite pas à écrire des textes polémiques tout en disant ses doutes. Par exemple, sa critique sur Les Sources de la croyance en Dieu, livre écrit par le père dominicain Antonin Sertillanges, également auteur d'un Catéchisme des incroyants (deux volumes, 1942) : "Ce sont nos inquiétudes qu'il eût fallu calmer, Père Sertillanges". Et, plus loin : "il eût fallu, puisque vous accordez à la révélation tant d'importance, nous dire pourquoi vous n'en accordez aucune aux témoignages qui seuls nous l'ont transmise" (Carnets, Gallimard, 1953, p 34-35). 

 

Pour Saint-Exupéry, l'homme a une vocation. André Gide le saisit bien dans la préface de Vol de nuit (publié pour la première fois en 1931 et qui obtient le prix Fémina) : "C'est aussi que le sentiment du devoir domine Rivière [...] Que l'homme ne trouve point sa fin en lui-même, mais se subordonne et sacrifie à je ne sais quoi, qui le domine et vit de lui".

Dans Terre des hommes, Saint-Exupéry écrit lui-même à la page 191 "Tout au long de ce livre, j'ai cité quelques-uns de ceux qui ont obéi, semble-t-il, à une vocation souveraine, qui ont choisi le désert ou la ligne, comme d'autres eussent choisi le monastère [...] Ce qui est admirable d'abord, c'est le terrain qui les a fondés".

La résignation à cette vocation, à son entretien par l'action aussi, frappe chez celui qui "a disparu en mission" pour reprendre les termes du Robert et du Larousse. Cette "radicalité" du combat, "la lutte constante et le dépassement perpétuel de soi-même" sont soulignés par Eugen Drewermann (p 110-111).

Un caractère mis en exergue


A quelques exceptions près, les ouvrages présentés ici proviennent du service de l'Eglise auprès des jeunes auxquels Antoine de Saint-Exupéry est montré comme un héros mêlant action et réflexion. De surcroît son style est simple et efficace, accessible à tous aujourd'hui encore.

Ce service auprès des jeunes est présent dans les paroisses, dans les aumôneries, aux séminaires (Carnets vient du Cercle François de Sales du grand séminaire de Gap), chez les enseignants. Par exemple, Le Petit Prince a été donné par la famille du Père Henri Prayer (aumônier du lycée de Briançon à partir de 1950, chargé des sixièmes au petit séminaire de Gap à compter de 1957), les biographies rédigées par Devaux, Anet et Chevrier appartenaient à Mgr Paul Chevallier.

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