mercredi 15 octobre 2008

FICHE THEMATIQUE 7

LE BAPTEME COMME COMMUNION AU CHRIST PASCAL

Lettre de Saint-Paul aux Romains (6,1-14)











LE TEXTE : Lettre aux Romains 6, 1-14
[Proposition]


1 Qu'est-ce à dire ? Nous faut-il demeurer dans le Péché pour que la grâce se multiplie?
2 Absolument pas ! Puisque nous sommes morts au Péché,
comment pourrions-nous vivre encore dans le Péché ?

[Argumentation pour montrer que nous sommes morts au Péché (v. 3-11 )]

3 Ne le savez-vous donc pas :
nous tous, qui avons été baptisés en Jésus Christ,
c'est en sa mort que nous avons été baptisés.
4 Si, par le baptême en sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui,
c'est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi,
de même que le Christ, par la gloire du Père, est ressuscité d'entre les morts

[nous aussi : sens de la mort baptismale]
[comme Christ : sens de la mort du Christ]

5 Car si nous nous sommes déjà en communion avec lui par une mort
qui ressemble à la sienne
nous le serons encore par une résurrection semblable.
6 Nous le savons :
l'homme ancien qui est en nous a été fixé à la croix avec lui
pour que cet être de péché soit réduit à l'impuissance et qu'ainsi nous ne soyons plus esclaves du Péché.
7 car celui qui est mort est libéré du Péché.
8 Mais si nous sommes morts avec Christ,
nous croyons que nous vivrons aussi avec lui



9 Nous le savons en effet :
Christ ressuscité des morts ne meurt plus;
sur lui la mort n'a plus aucun pouvoir.

10 car en mourant, c'est au Péché
qu'il est mort une fois pour toutes;
vivant, c'est pour Dieu qu'il vit.
[Conclusion v. 11]
11 De même vous aussi, considérez que vous êtes morts au péché
et vivants pour Dieu en Jésus Christ.
[Application éthique v. 12-14]
12Que le péché ne règne donc pas dans votre corps mortel pour vous faire obéir à ses convoitises.13 Ne mettez pas vos membres au service du Péché pour mener le combat du mal. Mettez-vous au contraire au service de Dieu, comme des vivants revenus d'entre les morts, et offrez à Dieu vos membres pour le combat de sa justice,14Car le péché n'aura plus sur vous aucun pouvoir :en effet, vous n'êtes plus sujets de la loi, vous êtes sujets de la grâce (de Dieu)
[1] .



FICHE DE TRAVAIL POUR LES PARTICIPANTS


I - POUR LIRE

Qu'est-ce qui amène Paul à parler du baptême ?

Dans l’épître aux Romains, Paul est amené à parler du baptême. C'est un très beau texte, mais qui peut nous déconcerter. Il va nous dire que l'on est baptisé dans la mort du Christ, que le baptisé meurt au péché. Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire pour des bébés qui jusqu’à présent n’ont commis aucun péché ? Et même pour nous : qu’est-ce que c’est que ce baptême dans la mort ? Le baptême n'est-il pas une nouvelle naissance ? Oui, bien sûr. Mais faisons attention au point de vue de Paul. Il a dans l'esprit le baptême des croyants adultes. Il en parle avec l'air de répondre à une objection. Il met en scène certains chrétiens qui l'accusent de laxisme moral. Ils lui disent à peu près ceci : « Paul, avec ta doctrine de la grâce de Dieu qui pardonne tout, sur la seule base de la foi en Jésus, malgré tout le mal que nous avons fait, tu encourages les gens à rester dans le péché; tu es allé jusqu'à dire : là où le péché a abondé, la grâce a surabondé (Rm 5, 20). Cette insistance sur la grâce de Dieu, n'est-elle pas une prime au péché ? Alors péchons, si notre péché donne l'occasion à la grâce de Dieu de se manifester toujours plus ». L'objection, vous le sentez, ne tient pas debout. Mais Paul la formule exprès pour pouvoir mieux l'enfoncer et il va la réfuter à partir de ce qui se passe dans le baptême.

Que se passe-t-il donc dans le baptême ?

Qu'est-ce qui s'y passe ? Les baptisés entrent en communion de destin avec le Christ. Ils sont baptisés dans sa mort afin de communier à sa vie et à sa résurrection. Et Paul va expliquer ce que veut dire : « être baptisé dans la mort du Christ ». Cela veut dire qu'avec lui on meurt au Péché une fois-pour-toutes ; il ne sera donc plus pensable de continuer à vivre comme si l'on était encore asservi au Péché. Désormais les baptisés sont libres de vivre pour Dieu. Ils sont encore de ce monde, ils ont pourtant changé d'univers.

Qu'est-ce donc que ce Péché dont parle Paul ?

Pour bien comprendre ce que dit Paul, quand il parle de « mourir au Péché », il faut saisir ce qu'il met sous le mot « Péché ». Il faut l’écrire avec un P majuscule. Ce n’est pas un acte particulier de désobéissance à Dieu, tel ou tel manquement volontaire à un commandement divin. Évidemment les enfants qui viennent de naître n'ont commis aucun péché. Là n'est pas le problème. Il s'agit de cette puissance du mal qui nous environne, qui nous précède, qui est toujours déjà-là, dès notre venue au monde ; nous pouvons en être victimes, mais aussi complices. En somme, c’est « le Péché du monde ». Dans le baptême, c’est à cette puissance maléfique que nous échappons, que nous mourons, les adultes bien sûr, mais aussi les enfants. Nous lui échappons définitivement. Le Christ, le premier, y a échappé sur la Croix. Par sa manière-même de mourir, il a dit le Non le plus radical qui ait jamais été dit à cette puissance tyrannique. Il est mort-au-Péché une fois-pour-toutes, et nous avec lui. Mais cela n’est évidemment que la face négative du baptême. La face positive consiste à inaugurer une vie nouvelle.



C’est comme l’envers et l’endroit d’un même événement. L’une n’est pas possible sans l’autre. Il s’agit d’un « mourir » pour « vivre », pour vivre autrement, et pour vivre d’une vie qui sera victorieuse même de la mort.

Une communion de destin avec le Christ de Pâques

Il nous faut donc lire ce texte de Paul sur le baptême avec toute sa richesse mystique. Ne nous laissons pas arrêter par ce qui peut nous choquer au premier abord. Le point de départ du discours de Paul qui se bat avec des moralistes apeurés par le message de la grâce n'est qu'un tremplin vers un exposé fervent de la communion avec le Christ inaugurée par le baptême. Pour Paul le baptême est bien plus qu'une purification des péchés passés, bien plus même que l'effacement de la « faute originelle» comme dit notre vieux catéchisme. Dans le baptême, une aventure extraordinaire commence: le baptisé entre dans une communion de destin avec le Christ : pas seulement « comme » lui, mais « avec lui ». C’est d’abord cela qui intéresse Paul dans le baptême. Le baptisé est engagé dans un « mourir-avec », un «vivre-avec », qui lui fait traverser tout le drame de la vie du Christ. La Pâque du Christ devient sa Pâque. Nous allons trouver dans ce passage de Rm 6 plusieurs des fameux verbes en –avec- du langage de Paul, pour dire cette communion avec le Christ pascal.

En voici le schéma, qui est la trame du Credo, mais en tissant la communion du Christ et des croyants :
il a souffert
"nous souffrons-avec (lui)"(Rm 8,17)
il a été crucifié
"notre vieil homme a été crucifié-avec lui" (Rm 6,6)
"j'ai été et je demeure crucifié-avec Christ" (Ga 2,20)
il est mort
"nous sommes-morts-avec-Christ " (Rm 6,8)
"nous sommes devenus conformes et solidaires de sa mort." (Rm 6,5)
il a été enseveli
"nous avons été ensevelis-avec lui par le baptême dans la mort" (Rm 6,4)
il est ressuscité
"nous lui serons aussi unis par une résurrection semblable" (Rm 6,5)
il est vivant
"nous vivrons-avec-lui"(Rm 6,8)
il a été glorifié
"Héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ "- "afin d'être glorifiés-avec (lui)" (Rm 8,17)

Ce baptême-là n'est pas seulement un événement passé, il est à l'origine d'une vie baptismale qui est une course à la résurrection.



¨ Lexique :

* Grâce : ce mot est un mot clé de la théologie de Paul. Il le reçoit des Ecritures (Ancien Testament). La grâce de Dieu est son amour prévenant, absolument gratuit ; elle se manifeste dans la fidélité de son alliance, dans sa compassion pour son peuple, dans le pardon de ses fautes, dans son initiative qui crée un cœur nouveau. Paul a compris que la grâce de Dieu est la grâce du Christ : le don que Dieu fait de son Fils à tout homme, juif ou non juif, sans autre préalable que la foi.

* Gloire : « gloire du Père » : le mot « gloire » hérite ici du langage biblique; il ne s'agit pas d'abord de la réputation de quelqu'un, mais de la qualité / de la qualification/ de l'être, de la personne. En hébreu, le mot signifie « ce qui fait le poids ». La « gloire de Dieu », c'est « son poids », son importance (par rapport au créé), sa puissance de salut, le resplendissement de son être, sa beauté. En Rm 6, 4 la résurrection de Jésus est l'expression de la puissance du Père, du rayonnement de son être.

* Justice : mot beaucoup plus riche dans l'Écriture que dans notre langage courant. Il s'agit de ce qui ajuste l'homme à la sainteté de Dieu, à sa volonté, à son amour. Pour Paul, l'homme ne peut être juste que par la foi, en faisant confiance à Dieu, en s'appuyant sur Lui, pour vivre du don qu'il lui fait de son Fils, bien au-delà de ses efforts, de ses mérites, et même en dépit de ses fautes.

* Loi : « sujets de la Loi ». Paul considère la Loi de Moïse comme un véritable don de Dieu, pour éduquer son peuple dans la justice; mais par elle-même la Loi ne suffit pas, tant que le cœur de l'homme n'est pas changé et récréé par l'Esprit-Saint. Elle peut même l'enfoncer en lui donnant la claire conscience du mal. Mais l'homme nouveau n'a plus besoin d'être assujetti à une loi : commandé, menacé, sanctionné. C'est en ce sens qu'il n'est plus « sujet de la loi ». Mais, de l'intérieur, il est conduit par l'Esprit à connaître et à faire ce qui plaît à Dieu.


II - ET MAINTENANT AU TEXTE

Nous ne pratiquons guère le baptême par immersion. Qu'est-ce que ce type de baptême évoquait pour Paul ? Allez-voir dans les évangiles : Luc 12, 49-50; Marc 10, 32-40; dans les Psaumes : Ps 69, 2-3. Comment ce symbolisme pouvait-il éclairer ce que Paul voulait dire du sens du baptême chrétien ?

Remarquer le parallélisme des v 5-7 et des v 8-10 : Paul fait deux fois le même parcours, mais une fois en parlant des baptisés (v 5-7), une fois en parlant du Christ (v 8-10). Que veut-il faire comprendre en instituant ce parallèle entre le baptême et la mort du Christ en croix ?

Relevez dans la partie centrale du texte (v 3-11) toutes les expressions où il est dit que les baptisés vivent quelque chose en rapport avec le Christ. Qu'est-ce que cela dit de l'existence chrétienne pour Paul ? Pour vous ?

Dans les v 3-11, faites attention au temps des verbes : qu'est-ce qui a déjà été fait, qu'est-ce qui est vécu ou à vivre maintenant, qu'est-ce qui reste encore futur ? Quel lien y a-t-il entre ces trois « moments » ?


III - PISTES POUR ACTUALISER

« Ne le savez-vous donc pas ? » Qu’est-ce que ce texte de Paul nous fait découvrir de nouveau de notre baptême ?

« Comme des vivants revenus d'entre les morts »: vivre désormais pour quoi ?
Pour qui ?



IV - PISTES POUR LA PRIERE

Un refrain pour ouvrir le temps de prière :
« Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ, Alléluia ! »
(A. Gouzes)


Un chant : Souviens-toi de Jésus-Christ I 45 (CNA n° 588 )

Refrain : Si nous mourons avec lui,
avec lui nous vivrons.
Si nous souffrons avec lui,
avec lui nous régnerons.

Couplet : En lui sont nos peines, en lui sont nos joies,
En lui l’espérance, en lui, notre Amour.

Couplet : En lui, toute grâce, en lui, notre Père,
En lui, notre gloire, en lui, le Salut.


Introduction au Notre Père : Par le baptême nous avons été mis au tombeau avec le Christ pour mener une vie nouvelle. Avec lui, ressuscité, nous prions en toute confiance ce Père qu’il nous a révélé :

NOTRE PERE



FICHE DE TRAVAIL POUR LES ANIMATEURS


V - QUELQUES CLES DE LECTURE

«Là où le Péché abonde la grâce surabonde ! Alors continuons de pécher ». D’un revers de main Paul écarte l’objection selon laquelle son évangile de la Grâce* de Dieu serait une prime au Péché*. Et il en vient rapidement à ce qui, à ses yeux, écarte toute méprise : ce qui se passe dans le baptême. Il s’y produit une « mort avec le Christ » et cette mort-là est une « mort au Péché ». Par conséquent, être baptisé et rester asservi au Péché, c’est incompatible.

1 – Baptisés dans la mort du Christ
(6, 3-4)Paul fait comme si ses correspondants savaient déjà ce qu'il va leur enseigner sur le baptême : « Ignorez-vous que ... ». En fait ils ont bien une certaine idée du baptême, mais ils ignorent bel et bien toute la portée que Paul veut lui donner. Il va droit au but, quitte à devoir s'expliquer ensuite : « Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés en Christ Jésus, c'est en sa mort que nous avons été baptisés ? » Quand Paul parle du baptême, il connaît certes la formule: « être baptisé au nom du Christ »; mais il préfère la formule directe : « être baptisé en Christ, au sens dynamique de « vers le Christ », c'est-à-dire lui être transféré dans un mouvement d'appartenance. Puis il commente : être baptisé en Christ /vers Christ, c'est être baptisé en sa mort. Autrement dit, impossible d'être uni au Christ par le baptême sans participer à sa mort.

L'expression nous intrigue : le baptême, une mort ? On comprendra mieux, si l'on pense que le baptême, en ce temps-là, ne consiste pas à verser quelques gouttes d'eau sur la tête d'un enfant, mais à plonger un adulte dans un courant d'eau vive, la tête sous l'eau. Jean baptisait dans le Jourdain. Or cette immersion évoque un risque mortel : l’eau engloutit (Ps 69, 2-3). Jésus emploie cette image pour parler de sa passion et de sa mort : « J'ai un baptême à recevoir ; comme cela me pèse d'ici qu'il soit accompli ! » (Lc 12, 50) ; et quand il demande aux disciples Jacques et Jean s'ils sont prêts à mourir avec lui, il leur demande s'ils sont prêts à boire la coupe qu'il va boire, à être baptisés du baptême dont il va être baptisé (Mc 10, 38).

C'est le geste de l'immersion, qui porte ce poids symbolique. C'est le seul que Paul retient ici. Il ne parle pas de l'émersion. Naturellement il va montrer que cette mort avec le Christ débouche sur une vie nouvelle. Mais ce qu'il faut bien assurer à la base de toute la réflexion, c'est cette figure du geste baptismal comme un engloutissement, comme symbole d'entrée en communion avec la mort du Christ, sans quoi il n 'y aura pas de vie nouvelle. Il renchérit : baptisés dans la mort du Christ, « nous-avons-été-mis-au-tombeau-avec-lui »; en français on dirait « morts et enterrés», pour souligner le réalisme de la mort. Les baptisés traversent cette mort pour mener une vie nouvelle (6, 4). Il est important que Paul emploie ici ce langage de vie, car ce qui est en débat, c'est la capacité de la grâce de Dieu d'inaugurer une vie nouvelle dès maintenant, dans le quotidien de l'existence. La résurrection viendra en son temps, elle reste future ; la vie nouvelle en est le prélude et le germe ; elle les assimile déjà au Christ qui est ressuscité « par la gloire du Père* »[2].

2 - « Mourir au Péché une fois-pour-toutes » (6,5-11)Pour faire comprendre ce qu'il met sous la mort baptismale, Paul dresse un parallèle entre ce qui arrive au croyant dans l'acte du baptême ( v 5-7) et ce qui est arrivé au Christ en sa mort et sa résurrection (v 8-10). C'est à partir de l'événement pascal que Paul caractérise l'événement baptismal. Il faut tenir les deux sous un même regard. C’est pour bien le montrer que nous avons mis en regard les deux parcours : celui du baptisé (6-7) et celui du Christ (9-10)

Paul institue une comparaison. De part et d'autre, c'est une mort qui engage un dynamisme de résurrection et de vie (v. 5 et 8) ; de cette résurrection et de cette vie Paul parle ici au futur : nous serons unis au Christ par une résurrection semblable, nous vivrons avec lui; cela est futur, mais certain ; certain, mais futur. Paul maintient toujours le « pas encore » de la résurrection des croyants. La condition de cet avenir est la communion avec lui dans une mort qui ressemble à la sienne, qui est du même tissu que la sienne, du même type. C'est là-dessus qu'il va s'expliquer. De part et d'autre c'est une mort qui tire un trait sur le vieux monde asservi au péché, et c'est pour cela que cette mort-là, ce type de mort, débouche sur la résurrection et la vie.

Au sujet du Christ (8-10)

Au sujet du Christ Paul dit de manière étonnante : Christ est mort au Péché. Nous sommes un peu surpris par ce langage, comme si le Christ pendant un certain temps avait commis des péchés. Ce n'est pas ce que Paul veut dire ; il dit expressément en 2 Co 5, 21 que le Christ « n'a jamais connu le péché », n'a jamais commis d'actes pécheurs. Mais il dit aussi que par solidarité avec l'homme tombé au pouvoir du Péché, le Christ a épousé la condition humaine en tout ce qu'elle a d'éprouvant, d'humiliant, de faible, d'exposé à la violence et à la mort, par suite de cette puissance malfaisante qui a envahi le monde – tout sauf l'acte de pécher lui-même. Sa crucifixion a porté à son paroxysme cette agressivité du mal contre le juste et l'innocent. Mais en même temps, sa mort sur la croix a été vécue par lui comme le Non le plus radical qui ait jamais été dit au Péché du monde. A la différence des hommes pécheurs que nous sommes tous, Lui n'en a jamais été complice. C'est alors que triomphant de la malfaisance du Péché en sa mort et sa résurrection, pas seulement en sa résurrection mais déjà en sa mort, il a mis un trait définitif au vieux monde, à toutes les séquelles du Péché qui s'attachent à la condition humaine. Le Christ pascal n'a plus rien à voir avec le monde marqué par le Péché. « En mourant, c'est au Péché qu'il est mort une fois pour toutes; vivant, c'est pour Dieu qu'il vit »
(v 10). Lisons bien ce que Paul écrit : c'est en mourant qu'il meurt au Péché. C'est sa manière de vivre sa mort qui a été pour lui et en lui le chemin de la vie.

Au sujet des baptisés (5-7)

Au sujet des baptisés, Paul dit qu'il leur est arrivé une mort semblable à celle du Christ, en ceci que pour eux aussi un trait a été tiré sur le vieux monde : « l'homme ancien qui est en nous a été fixé à la croix avec le Christ ». (6, 6). Le baptême fait bien plus que de procurer le pardon des péchés passés; la métaphore de la crucifixion de l'homme ancien signifie un changement de la condition humaine. Paul s'est appliqué la métaphore à lui-même : il est un crucifié pour le monde et le monde un crucifié pour lui (Ga 6, 14). Il veut dire par là qu'il n'a plus rien à voir avec les fausses valeurs du monde, comme lorsqu'on dit d'une chose à laquelle on renonce : « je fais une croix dessus ». Ce qui était en la personne des baptisés capacité de mal, domination du mal, a été réduit à l'impuissance (en langage informatique on dirait « désactivé »). Une comparaison, qui emprunte un adage juridique ponctue cette libération : « celui qui est mort est libéré du péché » (v.7). La mort éteint les dettes. La mort baptismale, comme communion à la mort du Christ, met fin à toute revendication du péché sur l'existence croyante (v.7), de même que le Christ est mort-au-Péché une fois pour toutes (v. 10)

Conclusion (v. 11)
La conclusion applique aux baptisés ce que Paul vient de dire du Christ au v 10; ce n'est pas une exhortation mais un constat : « considérez que ... », prenez acte de ce que, dans le baptême, vous aussi comme le Christ vous êtes morts-au-Péché et vivants pour Dieu en Jésus-Christ ». Cette vie pour Dieu prend source dans une dépendance permanente du Christ, de ce qu'il a vécu pour nous sur la croix et de ce qu'il nous donne de vivre maintenant par le don de son Esprit.
C'est cela que Paul appelle « vivre en Christ Jésus », comme membre du Christ.
3 - Avec le ChristDans le baptême, il n'y a pas seulement ressemblance (« comme » le Christ, ainsi les baptisés), il y a aussi et surtout communion (mourir, vivre et ressusciter « avec » le Christ). Le Christ de Pâques n'est pas entré seul dans les grands événements qui ont changé la face du monde, qui ont mis fin au règne du mal, qui ont inauguré la nouvelle création. Il y est entré pour nous, mais ce n'était pas pour nous dispenser d'y entrer à notre tour, c'était au contraire pour nous rendre possible d'y entrer avec lui. Il n'a pas souffert, été crucifié, ressuscité, glorifié... pour nous dispenser de l'être, mais pour que nous puissions l'être avec lui. Le grand mouvement du temps qui a fait basculer l'histoire du monde présent au monde à venir à travers la crise de la passion et de la mort du Messie entraîne avec lui tous les croyants. "De par la souveraine décision de Dieu, le sort du Christ est désormais le nôtre : Jésus a été crucifié pour nous, il est mort pour nous, il a été enseveli pour nous ... Nous voici donc crucifiés avec lui, morts avec lui, ensevelis avec lui"[3] « Un seul est mort pour tous, donc tous sont morts» (2 Co 5,14).
«Nous avec le Christ» se fonde et s‘enracine dans «Christ pour nous».
«Avec lui» est l'autre face du «pour nous».

Quant à nous, par notre foi, nous acceptons que l'événement pascal du Christ nous arrive, non pas comme un événement extérieur à nous, mais comme un événement dans lequel nous sommes pris et entraînés, de la mort à la résurrection. Nous ne vivons plus notre histoire comme une histoire autonome, mais comme une histoire de communion ; nous ne vivons plus notre histoire comme une histoire banale, mais comme une histoire pascale; nous ne vivons plus notre histoire comme purement humaine, mais comme christique et messianique.

4 - « Comme des vivants revenus d'entre les morts »
6,11-14)La conclusion des v 12-14 ne fait que tirer les conséquences logiques de l'événement baptismal. « Puisque, de fait, vous êtes morts-au-Péché(v11), vivez entièrement pour Dieu ». L'impératif (12-14: que le Péché ne règne pas.. ne mettez pas vos membres au service du Péché, offrez vos membres au service de Dieu) n'est que la conséquence de l'indicatif (de fait, vous êtes morts au Péché, v 11). La comparaison «comme des vivants revenus d'entre les morts» (v. 13) est suggestive de la nouveauté et de la joie de la vie des baptisés : ils ont échappé pour toujours à la mort (spirituelle, dès maintenant, et temporelle, dans la résurrection promise). Avant d'être une morale, la vie des croyants est un oui joyeux à la Vie pascale. Ils sont soustraits au pouvoir du Péché. Ils ne risquent plus que la Loi, qui interdit et qui menace, tourne à leur défaite; ils ne lui sont plus assujettis, ce qui était signe de leur faiblesse ; mais ils sont devenus « sujets » capables de justice et de sainteté par la grâce de Dieu.


VI - POUR ALLER PLUS LOIN

* le mémorial

Pour comprendre ce lien entre la Pâque du Christ et la nôtre, on peut se rapporter à ce que dit l'Ecriture du "mémorial" de la Pâque : ce n'est pas un pur souvenir, c'est une institution divine qui permet de rendre actuel l'événement du salut : Quand les Juifs célèbrent la Pâque, ils se placent sous l'acte de Dieu qui a libéré Israël d'une libération qui continue de s'accomplir aujourd'hui : "aujourd'hui, c'est moi qui suis sorti d'Egypte en la personne de mes Pères". L'événement du salut n'est pas enfermé dans les limites de l'espace et du temps qui lui ont donné sa figure ; comme événement, il arrivait certes en tel lieu et tel moment, mais il était porteur d'avenir en raison de l'acte de Dieu qui y était présent et opérant. Il était destiné à devenir le gage, la matrice et la source de ce que Dieu accomplirait dans les générations futures. Comme l'eucharistie, le baptême est un mémorial de la croix. Il associe les baptisés à l'événement qui a été vécu pour eux. La pâque des baptisés n'est pas seulement une imitation de la Pâque du Christ ; elle en fait partie; elle y prend part.

* Les récits évangéliques et le baptême selon saint Paul

On peut dire que le « baptême selon saint Paul » transcrit dans un autre langage (être crucifié-avec) etc …, applicable à tous les croyants, ce que les récits évangéliques disent de l'appel des disciples à « suivre Jésus » : qu'ils se risquent à le suivre jusqu'en sa Passion, s'ils veulent être associés à sa gloire (Mc 8, 31 - 9, 1; Lc 22, 28- 30) ; en réalité ils ne pourront le faire qu'à partir du don qu'il aura fait de sa vie pour eux ( Jn 13, 8.36-38).

* Un très beau texte des Pères de l’Eglise au IVème siècle - Catéchèse ancienne de Jérusalem :

Personne ne doit penser que le baptême consiste simplement dans le pardon des péchés et la grâce de la filiation adoptive ; il en était ainsi pour le baptême de Jean, qui ne procurait que le pardon des péchés. Mais nous savons très précisément que notre baptême, s’il est purification du péché et nous attire le don de l’Esprit-saint, est aussi l’empreinte et l’image de la Passion du Christ.
C’est pourquoi saint-Paul proclamait : Ne le savez-vous pas ? Nous tous, qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés. Nous avons donc été mis au tombeau avec lui par le baptême » (Liturgie des Heures, II, A.E.L.F. Paris Cerf 1980, p 454).

Ce texte dépasse une conception purement morale et même religieuse du baptême (pardon des péchés, filiation adoptive) et met en valeur sa dimension christique : il est l'empreinte dans la vie des baptisés de la Passion du Christ, ajoutons et précisons : de sa Pâque, de sa Passion débouchant dans sa vie nouvelle et sa résurrection.

[1]Traduction liturgique légèrement remaniée; sous-titres ajoutés - P.B.

[2] Cette expression ne nous est pas familière ; elle indique que la résurrection de Jésus fait apparaître au grand jour la présence de Dieu, le rayonnement de sa beauté, de sa divinité, de sa sainteté; le Christ est ressuscité par l'invasion de la Gloire du Père en son humanité crucifiée. Les croyants émargent déjà ici-bas à ce resplendissement de la Gloire, devenue celle du Christ (2Co 3, 18); elle les rétablit dans cette beauté spirituelle dont tous les hommes sont privés en raison de leurs actes de péché (Rm 3, 23).

[3] - Michel BOUTTIER, En Christ , p 45.

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