mercredi 15 octobre 2008

FICHE THEMATIQUE 5

LES DONS DE L’ESPRIT




1ère lettre de Saint-Paul aux Corinthiens (12,1-31)






LE TEXTE :


1ère lettre aux Corinthiens (12,1-31)



12,1 Au sujet des phénomènes spirituels, je ne veux pas, frères, que vous soyez dans l'ignorance. 2 Vous savez que, lorsque vous étiez païens, vous étiez entraînés, comme au hasard, vers les idoles muettes. 3 C'est pourquoi je vous le déclare :
personne, parlant sous l'inspiration de l'Esprit de Dieu,
ne dit : « Maudit soit Jésus »,
et nul ne peut dire: « Jésus est Seigneur »,
si ce n'est par l'Esprit Saint.

4 Il y a diversité de dons de la grâce, mais c'est le même Esprit ;
5 diversité de ministères, mais c'est le même Seigneur ;
6 diversité d'actions, mais c'est le même Dieu qui, en tous, met tout en oeuvre.
7 À chacun est donnée la manifestation de l'Esprit en vue du bien de tous.
8 À l'un, par l'Esprit, est donné un message de sagesse,
à l'autre, un message de connaissance, selon le même Esprit ;
9 à l'un, dans le même Esprit, c'est la foi ;
à un autre, dans l'unique Esprit, ce sont des dons de guérison ;
10 à tel autre, d'opérer des miracles,
à tel autre, de prophétiser,
à tel autre, de discerner les esprits,
à tel autre encore, de parler en langues ;
enfin à tel autre, de les interpréter.
11 Mais tout cela, c'est l'unique et même Esprit qui le met en oeuvre,
accordant à chacun des dons personnels divers, comme il veut.

12 En effet, prenons une comparaison: le corps est un, et pourtant il a plusieurs membres; mais tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps: il en est de même du Christ. 13 Car nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit pour appartenir à un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et nous avons tous été abreuvés d'un seul Esprit.



14 Le corps, en effet, ne se compose pas d'un seul membre, mais de plusieurs.
15 Si le pied disait : «Comme je ne suis pas une main, je ne fais pas partie du corps», cesserait-il pour autant d'appartenir au corps ?
16 Si l'oreille disait: «Comme je ne suis pas un oeil, je ne fais pas partie du corps», cesserait-elle pour autant d'appartenir au corps ?
17 Si le corps entier était oeil, où serait l'ouïe ?
Si tout était oreille, où serait l'odorat ?
18 Mais Dieu a disposé dans le corps chacun des membres, selon sa volonté.
19 Si l'ensemble était un seul membre, où serait le corps ?
20 Il y a donc plusieurs membres, mais un seul corps.
21 L'oeil ne peut pas dire à la main: «Je n'ai pas besoin de toi»,
ni la tête dire aux pieds : «Je n'ai pas besoin de vous».
22 Bien plus, même les membres du corps qui paraissent les plus faibles sont nécessaires, 23 et ceux que nous tenons pour les moins honorables, c'est à eux que nous faisons le plus d'honneur. Moins ils sont décents, plus décemment nous les traitons : 24 ceux qui sont décents n'ont pas besoin de ces égards.

Mais Dieu a composé le corps en donnant plus d'honneur à ce qui en manque, 25 afin qu'il n'y ait pas de division dans le corps, mais que les membres aient un commun souci les uns des autres. 26 Si un membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est glorifié, tous les membres partagent sa joie.

27 Or vous êtes le corps de Christ
et vous êtes ses membres, chacun pour sa part.

28 Et ceux que Dieu a disposés dans l'Église sont,
premièrement des apôtres,
deuxièmement des prophètes,
troisièmement des hommes chargés de l'enseignement ;
vient ensuite le don des miracles, puis de guérison, d'assistance, de direction, et le don de parler en langues.
29 Tous sont-ils apôtres ? Tous prophètes ? Tous enseignent-ils ? Tous font-ils des
miracles ?
30 Tous ont-ils le don de guérison ? Tous parlent-ils en langues ?
Tous interprètent-ils ?
31 Ayez pour ambition les dons les meilleurs.
Et de plus, je vais vous indiquer une voie infiniment supérieure.


[Suite 1 Co 13 : Eloge de la charité]

Traduction TOB modifiée P.B.


FICHE DE TRAVAIL POUR LES PARTICIPANTS


I - POUR LIRE

La ferveur de l'Esprit

Les origines de l'Église ont été très marquées par la ferveur de l'Esprit, selon la promesse de Dieu : « Aux derniers temps, dit Dieu, je répandrai de mon Esprit sur tous : vos fils et vos filles parleront en prophètes ... Oui, sur mes serviteurs, hommes et femmes, en ces jours-là je répandrai de mon Esprit » (Ac 2, 17-18; Joël 3, 1-5). Pierre l'avait constaté à Jérusalem pour la Pentecôte. Paul en est témoin dans les jeunes Églises des Nations : « N'éteignez pas l'Esprit , ne méprisez pas les messages des prophètes, discernez-tout» (1Th5,19). A Corinthe, les interventions des prophètes sont tellement fréquentes qu'il leur arrive de se couper la parole dans les assemblées ; quant aux glossolales*, ils prient dans une langue qui leur échappe et qui passe pour être celle des anges devant le trône de Dieu. Ces pratiques étaient ambiguës. D'un côté, elles correspondaient à la nouveauté des « derniers temps » marqués par l'effusion de l'Esprit. D'un autre côté elles faisaient penser à l'enthousiasme religieux du monde grec, à l'intérêt porté aux phénomènes de "possession" divine, dans la divination ou la glossolalie. Il arrivait que dans les assemblées chrétiennes les convertis récents du paganisme se comportent comme lorsqu'ils étaient « entraînés hors d'eux-mêmes et dévoyés vers des idoles muettes » (1Co 12, 2).


L'appel au discernement

C'est à propos de ces manifestations spirituelles que Paul -sans doute interrogé par ses correspondants- fait une longue mise au point (1Co 12-14). Il reprend le vocabulaire des Corinthiens, mais il y substitue aussitôt le sien (charismes, dons, 12, 4). Les Corinthiens parlaient « d'expériences spirituelles » (pneumatika, 12, 1) qui pouvaient les gonfler de suffisance et les faire remarquer par leur aspect spectaculaire. Paul réagit en parlant de « charismes », de « dons de grâce », pour mettre l'accent sur le libre don de l'Esprit, dans une infinie diversité, en vue du bien de tous. « Les (deux) manifestations spirituelles » tant prisées par les Corinthiens (prophétie et glossolalie) ne sont pas les seuls dons de l'Esprit, il y en a bien d'autres ...

Paul traite le sujet de la manière suivante :
12, 1-3 : Introduction du sujet (exorde)
12, 4-11 : Évocation de la diversité des dons de l'Esprit (récit)
12, 12- 31 : Éclairage par la comparaison avec le corps humain :
l'Église est comme un corps, elle est corps du Christ.
13, 1-13 : Digression qui permet de prendre de la hauteur par rapport au sujet
immédiat : l'amour est le don par excellence, sans lequel tous les autres
ne valent rien.
14, 1-40 : Retour au sujet pour résoudre la mise en œuvre de ces deux fameuses
« pratiques spirituelles » : prière en langues (glossolalie) et prophétie.



Trois mots sont donc avancés qui déplacent la question initiale : don, corps, amour (agapè). Les dons de l'Esprit contribuent à former l'Église comme corps du Christ dans l'amour. C'est à cette aune qu'il faut tout évaluer, à commencer par la prophétie* et la glossolalie*.
Nous ne pourrons pas travailler tout le texte (12-14) ; nous proposons de lire le chapitre 12. Voici la progression du discours :

12, 1-3 : entrée en matière (exorde); premier discernement de l'Esprit
12, 4-11 : première prise de distance par rapport aux conceptions corinthiennes : la variété des dons de l'Esprit pour le bien commun
12, 12-27 : les dons de l'Esprit au service d'un « corps », le corps du Christ :
a) énoncé sur l’Eglise (12-13)
(b) développement allégorique (14-26)
(a') énoncé sur l’Eglise et application de l'allégorie (27-30)
12, 28-30 : retour à la variété des dons, mais avec une certaine hiérarchie ...
12,31: transition vers l'éloge de l'amour (ch. 13)
¨ Lexique :

*anathème : mot grec qui traduit un mot hébreu pour dire ce qui est voué à l'extermination (chose ou personne) ; il est synonyme de « malédiction ». Un texte du Deutéronome 21, 22-23 était utilisé pour déclarer anathème, c'est-à-dire maudit de Dieu, le corps d'un crucifié : « maudit soit celui qui pend au gibet », et il a servi pour stigmatiser Jésus crucifié comme objet de malédiction (cf. Ga 3, 13); Paul a dû partager ce point de vue avant sa conversion.

*charismes : le mot charisme veut dire « don de grâce » ; Paul l'utilise pour parler du
don fondamental et commun à tous de la justification (Rm 5,15.16) et de la vie éternelle (Rm 6,23), ou bien de la vocation propre d'Israël (Rm 11,29), d'une vocation personnelle (grâce du célibat pour le Royaume,1Co 7,7), ou encore, c'est le cas ici, d'une contribution particulière à la vie communautaire (Rm 12,6; 1Co 1,7; 12,6). Remarquer que dans le texte de Rm 12,6-8, les services communautaires tels que « direction », service du partage, enseignement sont énumérés parmi les « charismata », les dons de grâce. Il n'y a pourtant là rien de spectaculaire, ni de purement occasionnel. De quoi rectifier le sens scripturaire du mot « charismes ».
Les « services « ne sont pas tous des « ministères » (au sens de services permanents et institués), mais tous les ministères sont des « services »; pour Paul ils sont aussi des dons de grâces.

*corps : dans l'anthropologie paulinienne, « le corps » ne se confond pas avec la « chair ». Le « corps » est la personne en tant qu'elle est insérée dans l'histoire, la communauté, la durée. La « chair » désigne l'homme tout entier, mais considéré dans sa faiblesse ; ou bien il s'agit de ce qui est propension au péché.

*corps du Christ : il s'agit toujours dans le langage de Paul du corps personnel du Christ, de la personne du Christ qui a été crucifié, ressuscité, est devenu source de l'Esprit. Ce corps du Christ est donné en communion dans l'eucharistie (1Co 10, 16). Par la foi et le baptême, les croyants reçoivent du Christ en personne l'Esprit qui les fait vivre de sa vie de Fils de Dieu ; c'est en ce sens qu'ils deviennent les « membres du Christ » (1Co 6, 15). Le langage bien postérieur de « corps mystique » a d'abord
désigné le corps du Christ dans l'eucharistie, pour dire le mode symbolique (en mystère) sous lequel le Christ se donne. Ce langage a été appliqué ensuite à l'Église ; Paul dit simplement qu'elle est « le corps du Christ », parce qu'elle reçoit du Christ sa vie et son unité, et parce qu'en elle le Christ ressuscité se donne à voir dans l'histoire comme source de vie, de communion et d'unité : elle, c'est aussi Lui (cf 1Co 1, 12); audace de Paul ! - C'est seulement dans les épîtres aux Colossiens et Ephésiens, que le Christ sera comparé à la Tête et l'Eglise au corps. En 1 Co 12, le Christ tient le rôle du corps par rapport aux membres (les croyants).

*docteurs ou « maîtres » : (en grec : didascales) ceux qui enseignent en faisant le lien de l'Évangile avec les Ecritures et avec les exigences de la vie chrétienne.

*glossolales / glossolalie : mot qui désigne « le parler en langues »; le glossolale emploie des mots étrangers ou simplement étranges, qu'il ne comprend pas nécessairement lui-même et qui réclament une interprétation ; phénomène religieux universel, ordinairement provoqué dans une ambiance d'enthousiasme.
Dans la 1ère lettre aux Corinthiens et dans les Actes des Apôtres, il s'agit de prière que l'homme adresse à Dieu pour « magnifier ses merveilles » (1 Co 13, 1; 14, 2 ; Ac 2, 11; 10, 46). La pratique était connue dans le judaïsme mystique au temps de Paul ; ainsi les filles de Job qui avaient reçu de leur père une ceinture qui leur donnait de parler les langues des anges, c'est-à-dire de participer à la liturgie du ciel (cf. 1Co 13, 1).

Dans les assemblées chrétiennes, prophètes et glossolales intervenaient abondamment (1 Co 14) ; Paul marque sa préférence pour la prophétie, parce qu'elle est directement intelligible et sert mieux la communauté.

*prophètes / prophétie : la prophétie consiste à dire la parole de Dieu en relation avec les événements, pour y faire entendre les appels de Dieu aux communautés et aux personnes : appels à la conversion, encouragement, décision opportune (Ac 11, 27-30) ; le prophète approfondit l'intelligence du mystère pascal, du lien entre souffrances et espérance, il réconforte dans les épreuves ; il intervient aussi dans la prière pour rendre grâces des merveilles de Dieu accomplies dans l'histoire (cf. Lc 1, 67-79). Tout croyant, homme ou femme (1Co 11,5), peut dire une parole « prophétique » dans l'assemblée ( 1Co 14, 5). Mais certains seulement sont reconnus comme prophètes patentés et exercent avec les enseignants un rôle de direction de communautés. Les prophètes viennent en deuxième position après les apôtres, témoins du Christ ressuscité et responsables du message pascal, et avant les maîtres (didascales). Tous ces services sont de services de la Parole.

Documents du monde gréco-romain : la fable des membres et de l'estomac

La comparaison de Paul du corps et de ses membres utilise à sa façon un lieu commun de la littérature gréco-romaine. Ainsi dans les fables d'Esope: L'estomac et les pieds : « L’estomac et les pieds disputaient de leur force. A tout propos les pieds alléguaient qu’ils étaient tellement supérieurs en force qu’ils portaient même l’estomac. A quoi celui-ci répondit : « Mais, mes amis, si je ne vous fournissais pas de nourriture, vous-mêmes ne pourriez pas me porter ». Il en va ainsi dans les armées : le nombre, le plus souvent, n’est rien, si les chefs n’excellent pas dans le conseil ».



Même lieu commun chez les stoïciens pour illustrer l'intégration des individus au corps social et au cosmos : « Comme sont les membres du corps dans un organisme unifié, ainsi sont les êtres raisonnables dans des individus distincts ; ils sont faits pour une unique action d’ensemble. Cette pensée te sera davantage présente, si tu te dis souvent à toi-même : « Je suis un membre (mélos) de l’ensemble fait des êtres raisonnables ». Si tu te dis que tu en es une partie (méros), c’est que tu n’aimes pas encore les hommes de tout ton cœur ; c’est que tu ne comprends pas encore la joie du bienfait ; c’est que tu y vois seulement une chose convenable, que tu ne fais pas de bien aux hommes comme à un autre toi-même. (Marc-Aurèle, Pensées, VII,13, vers 176 ap JC)


II - ET MAINTENANT AU TEXTE

Observez les mises au point que Paul fait en 12, 1-3, puis en 12, 4-11 et 12, 28-31. Qu'est-ce qui est fondamental? Qu'est-ce qui est commun, qu'est-ce qui est différent ? Quand et pourquoi met-il une hiérarchie dans l'énumération des charismes ?

Dans la comparaison de la communauté avec le corps humain 12, 12-26, s'agit-il seulement d'unité ? Et quelle forme d'unité Paul veut-il promouvoir ?

Paul s'en tient-il à une comparaison : l'Église « comme» un corps ? Comment comprenez-vous ce qu'il dit dans les v. 12-13 et dans le v. 27 du rapport entre le Christ et la communauté ecclésiale ?



III - PISTES POUR ACTUALISER

1. « Diversité de dons, mais le même Esprit » (12, 4...) (12, 22) ... En quoi cette mise au point sur les « charismes » vous paraît-elle d'actualité : retour aux sources, valeurs, limites? Quelle image de l'Église peut-elle promouvoir ?

2. « Les plus faibles sont nécessaires » : à votre avis, de quelles faiblesses, de quelles pauvretés l’Eglise a-t-elle besoin aujourd’hui ?

3. « Vous êtes le corps du Christ » (12, 27) :
Quel regard posez-vous sur votre communauté locale telle que vous la connaissez ?
Quelle dignité, quelle responsabilité ?



IV - PISTES POUR LA PRIERE


Un refrain pour ouvrir le temps de prière :
« Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ, Alléluia ! »
(A. Gouzes)

Lecture d’un autre passage de Paul : 1ère lettre aux Corinthiens (13,2-13)

Refrain : Dieu est Amour, Dieu est Lumière, Dieu notre Père

« J’aurais beau parler toutes les langues de la terre et du ciel, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, et toute la foi jusqu’à transporter les montages, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne sert à rien.

L’amour prend patience ; l’amour rend service, l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien de malhonnête ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est mal, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne passera jamais.

Un jour, les prophéties disparaîtront, le don des langues cessera, la connaissance que nous avons de Dieu disparaîtra. En effet, notre connaissance est partielle, nos prophéties sont partielles. Quand viendra l’achèvement, ce qui est partiel disparaîtra. Quand j’étais un enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant. Maintenant que je suis un homme, je fais disparaître ce qui faisait de moi un enfant. Nous voyons actuellement une image obscure dans un miroir. Ce jour là, nous verrons face à face. Actuellement, ma connaissance est partielle. Ce jour là, je connaîtrai vraiment comme Dieu m’a connu. Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la Foi, l’Espérance et la Charité ; mais la plus grande des trois, c’est la Charité » (version liturgique).

Introduction au Notre Père : Plus encore que le chant des anges, que toutes les langues de la terre et du ciel, ta Parole, Seigneur Jésus !
Unis dans un même Esprit, nous osons dire avec confiance la prière que nous avons reçue de toi:

NOTRE PERE

Reprise du refrain : Dieu est amour, Dieu est lumière, Dieu notre Père





FICHE DE TRAVAIL POUR LES ANIMATEURS



V- QUELQUES CLES DE LECTURE


1- Dons personnels et gratuits
(12,1-11)Les pratiques spirituelles : parlons-en, mais parlons-en autrement. Il ne
s'agit pas d'expériences neutres et impersonnelles que nous nous procurerions nous-mêmes, que nous pourrions ambitionner ou qui nous arriveraient comme des mouvements incontrôlables …
mais parlons-en, comme de libres dons de l'Esprit-Saint, faits à chacun en vue du bien de tous.

Le don fondamental de l'Esprit, c'est la foi en Jésus Seigneur (12, 1-3). Y avait-il des chrétiens « spirituellement excités » qui dans l'assemblée se prenaient à dire : « Maudit soit Jésus », « anathème* à Jésus » (12, 3) ? Ce n'est pas impossible, mais peu vraisemblable. Il faut plutôt comprendre la première mise au point de Paul comme un rappel du critère le plus radical de la présence de l'Esprit. C'est un recto-verso. Avec lui, vous ne risquez pas de partager le point de vue d'un Paul pharisien avant sa conversion : considérer Jésus comme maudit par Dieu en raison de sa crucifixion (maudit soit celui qui pend au gibet). Inversement, vous ne pourrez jamais confesser la foi pascale, qui est à la base de l'existence chrétienne, sans que l'Esprit Saint vous fasse reconnaître et dire : «Jésus est Seigneur». Ainsi Paul coupe à la racine toute prétention élitiste des soi-disant "spirituels" à monopoliser l'Esprit. Le premier langage inspiré, c'est l'acte de foi à l'état naissant. C'est le don de base fait à tous les croyants.

Puis Paul entre dans le vif du sujet en étalant sous les yeux des correspondants la variété des dons de l'Esprit pour contrer la prétention de les ramener aux deux manifestations les plus en vue à Corinthe : prophétie et glossolalie. Il les mentionne mais en queue de liste. Auparavant il n'a pas assez de mots pour dire la diversité et la simplicité ; cela peut-être seulement une parole de sagesse, ou de connaissance ; et pas seulement des paroles, mais aussi des actes (guérisons, miracles) ; il se plaît à démultiplier : les prophéties ont besoin de discernement et les langues d'interprétation, et ce ne sont pas nécessairement les mêmes qui jouissent de ces dons. Répétition de "à un autre", "à un autre" : l'Esprit est décidément contre les monopoles. L'uniformité n'est pas de mise; l'unité est dans la source : c'est le même Esprit qui « distribue », qui répartit ses dons à chacun comme il l'entend. Et toujours pour le bien commun. Et il ne faut pas parler seulement de « dons », mais aussi de « services » et de « mises à l'action ». A vrai dire sous ces trois mots il n'y a pas des catégories différentes; car on ne parle bien de dons de l'Esprit, que s'ils mettent au service du Seigneur pour coopérer à l'œuvre de Dieu (le Père). Le fonctionnement des charismes est trinitaire dans sa source et dans sa finalité ; il est communautaire dans son exercice. Dès lors il n'est pas étonnant que Paul en vienne à la comparaison du corps pour rendre compte simultanément de la diversité et de l'unité




2 – L'allégorie du corps
(12,12-26)Paul ne se contente pas de dire : l'Eglise est comme un corps, il dit : "vous êtes un corps, corps du Christ" (v 27). On a souvent retenu la comparaison et l'allégorie qui la développe longuement (14-26), on n'a pas toujours été attentif aux énoncés ecclésiologiques qui l'encadrent (12-13 et 27) »: vous êtes « corps du Christ ». La comparaison évolue vers l'identification. Les deux ont leur intérêt.

(a) énoncé sur l’Eglise (12-13)
(b) développement allégorique (14-26)
(a') énoncé sur l’Eglise et application de l'allégorie (27-30)




Commençons par le plus facile : l'allégorie. Il n'y a pas de corps sans diversité. De cette allégorie, des lecteurs ne retiennent bien souvent qu'un appel à l'unité. En réalité, la diversité est présentée comme aussi nécessaire que l'unité. Il n'y aurait pas de corps sans cela, mais un cancer. Apparemment l'allégorie ne semble décrire qu'une réalité "somatique" quelconque. En réalité, les détails sont choisis en raison de leur transparence au comportement ecclésial que les Corinthiens ont ou devraient avoir.

La diversité (v 14-17). Accepter d'être différent, sans se croire supérieur, ni sans chercher à s'identifier à tel ou tel autre membre jugé supérieur. Les images de cette petite section vont de bas en haut, du moins digne au plus digne: le pied voudrait être la main, l'oreille voudrait être l'oeil. Allusion à ces Corinthiens qui ne voudraient être du corps qu'à la condition d'y tenir une place excellente.

Interdépendance (v 18-26). Il n'y a pas de corps sans diversité, mais il n'y a pas non plus de corps sans organisation et sans unité. Selon la mentalité du temps, Paul attribue cette organisation à Dieu directement, en toute liberté (v 18). Mais en disant cela il pense d'abord à l'Eglise[1] : Cette fois, les images vont dans le sens inverse : des membres supérieurs aux membres inférieurs, dans un mépris affiché des premiers rôles pour les seconds. Paul réagit en disant que les membres dits supérieurs ne peuvent se passer des autres: l'œil de la main, la tête des pieds. Bien plus, les membres "jugés les plus faibles" - encore une allusion aux jugements humains dans la communauté - sont "nécessaires". On ne dit pas « tolérables ». Les deux fois où l'initiative divine à l'égard du corps est expressément mentionnée expriment l'une sa liberté (contre le monopole, v.18), l'autre son attention aux plus faibles (contre le mépris, v 24). Non seulement tous sont différents, mais tous sont nécessaires, même les plus faibles ; non seulement ce qui serait source d'infériorité est compensé, de sorte qu'il n'y ait pas de "déchirure"; mais il y a positivement "le même souci mutuel" (v 25). L'interdépendance, devient une communion. Les verbes "souffrir-avec", "être glorifié-avec" sont choisis en fonction du mystère pascal auquel communient tous les membres du corps, non seulement avec le Christ, mais aussi et, de ce fait ,entre eux.




3 - « Corps du Christ »
(12,27-31)L'allégorie est encadrée par deux énoncés de foi, le premier porte directement sur le Christ, le second sur l'Église, mais il sont étroitement solidaires l'un de l'autre.
Le premier compare le Christ au corps : « En effet, comme le corps est un, tout en ayant une multitude de parties, et comme toutes les parties du corps, en dépit de leur multitude, ne sont qu'un seul corps, ainsi en est-il du Christ » (12, 12). Le deuxième membre de la comparaison n'est pas développé. Mais on ne devrait pas hésiter sur son sens. Le Christ, dont il est question, n'est pas une sorte du « Christ mystique », qui n'existe pas dans le langage de Paul; il s'agit bien du Christ personnel. Or le Christ joue par rapport aux croyants le même rôle que le corps par rapport à ses membres: il les ramène à l'unité, si nombreux et si divers qu'ils soient. Dans cette comparaison le Christ n'est pas identifié à la tête comme il le sera dans les épîtres aux Colossiens et aux Ephésiens, mais au corps dans sa fonction d'intégration et d'unité. Et, de fait, les versets suivants expliquent cette fonction : par le baptême les croyants ont été référés à ce corps unique du Christ pour lui appartenir comme ses membres: « Nous avons été baptisés à un seul corps », pas seulement pour former un seul corps, l'Église, mais pour être-à, pour appartenir-vitalement-à cette personne unique qui est le Christ. L'incorporation à l'Église est seconde par rapport à l'incorporation au Christ. Ce qui est fondamental, c'est de devenir par la foi et le baptême « membre du Christ »; Paul l'avait déjà dit en 1 Co 6, 15 à propos de ceux qui jugeaient négligeable la prostitution : « Ne savez-vous pas que vos corps (vos personnes) sont des membres du Christ ? » On est de l'Église parce qu'on est du Christ, et non pas l'inverse.

Cette incorporation au Christ se fait par l'Esprit, dans l'Esprit. C'est par l'Esprit que nous vivons de la même vie divine, spirituelle, qui est celle du Christ ressuscité. C'est pourquoi Paul dit : nous avons été baptisés à un seul corps (celui du Christ) en un seul Esprit (l'Esprit du Christ). Baptisés dans l'Esprit, nous sommes encore abreuvés de cet unique Esprit dans l'Eucharistie. Voilà de quoi dépasser des représentations matérielles inadéquates, mais aussi l'idée d'une simple union morale au Christ : il y a bien plus que l'union des sentiments, que l'accord des volontés ; il y a le fait que, pour vivre de la vie de fils de Dieu, nous recevons constamment l'Esprit du Christ, dont il vit lui-même en son humanité et qu'il nous communique.

La formule d'unité : "soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit libres" manifeste que l'appartenance à l'unique corps du Christ transcende toutes les différences d’origine : religieuses, culturelles, sociologiques. C'est un leitmotiv qui accompagne naturellement les formules baptismales (Ga 3,27-28; Col 3,9b-11). C'est le cas ici. Les différences sociologiques ne sont pas supprimées mais elles sont complètement relativisées dans l'appartenance au corps du Christ.

Le 2ème énoncé déclare : « vous êtes (le) corps du Christ et ses membres
chacun pour sa part" (v.27).
Au terme de son allégorie, Paul formule à nouveau ce qui la fonde : vous n'êtes pas seulement comparable à un corps (diversité, interdépendance, unité). Vous êtes réellement un corps, un corps dans lequel se laisse voir et agir le Christ, et, en ce sens, « corps du Christ ». Vous êtes « un corps en Christ », dira l'épître aux Romains (12, 5) dans un contexte semblable. Si vous avez l'unité d'un corps, c'est en dépendance du Christ, en vertu de votre communion vitale avec Lui. Votre corps, c'est Lui (12, 12) et vous, vous êtes aussi, tous ensemble, son corps, et vous êtes ses membres chacun pour sa part. (12, 27).

N'est-ce pas le Christ lui-même, le corps du Christ, qui se donne à voir à travers la communauté ecclésiale, à tel point que si elle est divisée, il faudrait en conclure que "le Christ est divisé" ? (1Co 1,13). C'est la communauté seulement qui peut être dite "corps du Christ" ; chacun n'a qu'un statut de membre ; sous-entendu : il ne peut vouloir être tout, ni tout ramener à son modèle ; ce que Paul va précisément illustrer encore aux versets 28-30.

4 - D'une « hiérarchie » à l'autreAux v. 28-30, Paul énumère à nouveau, et à deux reprises, une liste de charismes. Mais cette fois il ne s'agit plus de jeter en vrac des dons extrêmement variés comme en 12, 4-11 ; il s'agit d'abord de souligner l'importance des membres que Dieu a établis dans une certaine responsabilité; ensuite d'illustrer une dernière fois la nécessaire diversité inhérente à la communion ecclésiale. Tous ne font pas tout, tous ne font pas la même chose. Ceux que Dieu a « établis » sont énumérés avec un numéro d'ordre : 1° des apôtres; 2° des prophètes ; 3° des maîtres (des enseignants). Cet ordre est significatif de l'originalité chrétienne par rapport au judaïsme, pour qui ce sont les enseignants qui tenaient le premier rôle (scribes, docteurs de la Loi, sages). Dans les communautés chrétiennes, ceux qui viennent en premier, ce sont les apôtres qui mettent le fondement en annonçant le Christ pascal. Eux aussi, apôtres, prophètes et maîtres sont des « dons » de Dieu pour son Église (Ep 4, 8-11 les dira dons du Christ).

Mais à cette hiérarchie de ministres s'en substitue encore une autre, à un autre niveau, où s'établit la valeur suprême de l'existence chrétienne et de la construction ecclésiale : l'amour. Paul ici parle de « voie » : « je vais vous montrer la voie qui surpasse tout ». L'amour est-il un « charisme »? Paul ne le dit pas expressément, ce serait le ranger trop étroitement dans une liste de dons particuliers. L'agapè n'est pas seulement un don du Saint-Esprit, elle est une activité du Saint-Esprit lui-même au coeur de l'homme : "Le Saint-Esprit peut conférer toute espèce de dons sans être présent lui-même; il démontre qu'il est présent par la grâce quand il accorde l'amour" (Fulgence cité par Paul VI, Discours au Renouveau, Pentecôte 1975, in: DC 1975, p 563)



[1] il reprendra le même verbe au v 28 qu'au v 18: "Dieu a établi les membres, chacun d'entre eux, dans le corps" (v.18) // "ceux que Dieu a établis dans l'Eglise" (v.28).

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